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NOS ENCHANTEURS:

 

 Ça commence très fort avec L’Allumeuse. Juste pour vous mettre dans l’ambiance : « Et mon buisson ardent / Grillera joliment / Dans les feux de l’enfer / Allumant Lucifer ! »

Vous avez compris que ces trois Poupées, chantant à l’unisson, ne sont pas là pour vous apprendre la broderie. À la rigueur elles pratiquent la dentelle avec les mots et les sons, toujours avec élégance et justesse. La provocation se fait avec de fines aiguilles, elles égratignent sans faire le moindre mal, bien au contraire. L’auditeur mâle se laisse allumer, braquer, charmer, dévorer avec une complaisance que le pire masochiste envierait. L’auditrice plonge immédiatement dans la connivence, la complicité sans même un soupçon de jalousie — La Jalouse est d’ailleurs prudemment un morceau instrumental — on est entre copines ! N'allez pas croire que ces Poupées soient habitées par un féminisme castrateur ou qu’elles portent un étendard de suffragette. Elles affirment simplement leur féminité avec aplomb, l’humour en embuscade, la tendresse cachée sous la sensualité et la conviction appuyée par le rythme et la diversité des sons.

Valérie Lemerre Charlot rédige avec un soin particulier des textes incisifs, riches de métaphores, d’allusions, de sous-entendus. Elle possède un sens du rythme qui court jusque dans son clavier, car je doute qu’elle écrive à la plume, trop désuète et bien moins percutante. Valérie, Mélodie Develter Bruni et BeBop Christine Lecourt ont ajusté leurs voix avec une précision d’horlogères pour la meilleure harmonie entre les différents ingrédients qui assurent la réussite. Alors les chansons fusent, jaillissent, pétillent, tourbillonnent, en swing, salsa, java et autres gestuelles que la musique habille avec élégance. Ces dames ne se contentent pas du prêt-à-pincer. Aux côtés des habituels accordéon et guitare, elles osent une ribambelle d’instruments peu encombrants aux sons insolites : ukulélé, banjolélé, concertina, triangle, cymbale et une invraisemblable batterie de machins hétéroclites dont on aurait jamais imaginé la pureté des sons.

On suppose beaucoup de travail, de soins attentifs et subtils pour parvenir à créer cette légèreté sans frivolité, qui provoque le sourire et recueille l’adhésion jusqu’au bout les pieds pour participer à ces petits moments de bonheur si difficile à traquer dans notre quotidien. Avis aux « petiteur de vertu », au « jointeur de culasse », au « couseur de fil blanc » : chaque morceau de l’album est une coupe de champagne, à déguster sans modération, mais avec attention.

Santé !

 

Michel Trihoreau, Nos Enchanteurs, le quotidien de la chanson, juin 2017

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